
I
Carême
(Gemini)
Siège calcaire pour goélands, le séduit pensif vaisseau
Par ombres, goutte après goutte, dans les cloitres de silence,
Tamise des raisons-ermites, pour que précipices en haut
Puissent surgir pour les étoiles, du noir de vie, les semences.
Pour me porter aux funérailles il n’y’aura point de bouclier ;
Désirs du corps et trots d’agile jument tombée enceinte
Vont par céleste baiser dans les hauteurs déménager,
Vont imposer aux seiches d’océan une cristalline astreinte…
Que puissent couler les encres brunes salés par le néant ;
Que puisse sonner le trot, galop sphérique sans propriétaire !
Adviens, mon bien-aimé, car je t’ai attendu autant… !
Tu peux me reposer dans le noyau d’un soleil neuf…
Je manque, au nadir du vide, les rayons de ton mystère
Pour m’enflammer du rouge du sang le jaune noirci de l’œuf.
II
Crypte
(Cancer)
Au-dessous des rêves, la cote perdue te fait surgir l’encens
Bien-aimée, reine des épreuves, cheval trojan du ciel turquois,
Aux raisons épais des ères – touche suave d’odeur du bois,
Baptême d’anges, déluge des fruits d’un été convalescent…
Chaste jonction troupeaux des fleurs fait surgir dans jardinières
De feu inconnu par cendres et de terre sans touche du fruste ;
Eaux profondes lin de silence arrosent pour linceul des sphères
Epreuve-reine, ennui du bleu pour les astres très vétustes…
Comme s’ils étaient des secondes, leurs chandelles brulent les éons
Pour que, chantée par lumières, raisonnée par arc-en-ciel,
Tu puisses tisser sur le temps les couleurs de l’éternel,
Comme ciment pour mur des briques ailes célestes te font bâillon,
Que ton ventre gît dans larmes et les yeux dans l’accouchement
Pour le sidéral aride – cimetière aux chats-huants.
III
Joaillerie
(Leo)
Le soleil mendiant pour ombre remonte la pourpre aux grappes ;
Ombre mendiant pour toi, j’envoie pigeons en volée
Pour que la pourpre des ailes soit bénie par ton lever,
Pour que la tempête des cœurs touche du vin nouveau attrape.
Douane féroce des renards demande péage de fatigue,
Réseaux des faucons s’emparent d’impitoyables décimes ;
Dans tellure et sidéral, le concert de leur lésine
Brouille l’innocent portatif par les grinces d’avide intrigue…
Y’a pour autant des victimes, succombées avant les noces
Une rétribution qui fasse plus paisible leur supplice ?
Oh ! voilà, leur sang se draine comme dans invisibles fosses,
Octroi dans trame de souffrance, leur mort érige le calice,
Ailes rompues dans l’éphémère lettres des prières embossent
Et blessures de désespoir logent la splendeur des rubis…
IV
Le pendu
(Virgo)
Rejeté par toi, prison de silence
Dans l’attente du supplice vient d’accueillir
Mon corps. L’espoir même devient la potence;
L’amour, noeud coulissant, va me meurtrir.
Une éternité de solitude pétrie
Vient d’ouvrir pour moi la sombre ravine
Mon coeur te regarde d’un oeil triste, pourri,
Creusé par les rapaces dans ma poitrine…
Pas des larmes pour moi, mais ce monde glacé
Point de compassion n’aura dans ses yeux !
J’ai compris que tu n’as pas pu m’aimer…
Que les orbites vides puissent nouveau printemps
Susciter pour fondre cet hiver affreux!
Car ou seront, prince, mes regards d’antan… ?
V
Aigle
(Libra)
Balance éloigné du cœur, pensée droite, coup de vent gauche,
Je charge vers l’azur chansons que personne ne prononcera ;
Scrutant le moindre mouvement, majestueux et sans reproche,
Je plonge pour fourrer mes griffes aux gibiers qui sont à moi.
Dans les hauteurs et par terre, le pouvoir non partagé
Sur l’empire qui ne connait ni défi, ni obéissance
Encercle, de l’invisible, comme un astucieux joailler,
La couronne qui capte d’en haut les sacrées incandescences.
J’ai voulu tout ça t’offrir, car l’amour vient, le vilain,
De tomber en coup de foudre et bruler au cœur le toit…
La terre est réduite aux cendres, sachant que t’as pas besoin
De mon âme, oh, le plus pauvre roi réduit à ses exploits…
Tout ce que j’ai conquis s’avère un appui pour vol en vain
Balance exilé du ciel, amour gauche, vent sans endroit…
VI
Pélican
(Scorpio)
Hiéroglyphes des écailles captent plongeons au fond des eaux
Et censure avide enlève leur mystère d’en dessous des songes;
Broderie fluide des signes aux poussins du vrai ou faux
Emprunte ses pouvoirs occultes pour les ailes en manque d’allonge.
Dans les profondeurs nocturnes, les cauchemars ouvrent ravines;
Malgré les graisses qui préparent le vol vers les bords d’Afrique,
La colonie est hantée par mémoires de la famine :
La souffrance des jeunes suscite la dévotion frénétique,
Les becs font sortir le sang des pieuses anciennes poitrines
Dans un sommeil agité par une messe des hérétiques.
Quand je serais sur la croix et soumis aux tentations;
Quand le mythe de la piété succombera à ses mensonges,
Car indigne de racheter la nouvelle génération,
Y’aura quelqu’un pour hausser sur la branche d’hysope l’éponge… ?
VII
Cigogne
(Sagittarius)
Ils racontent de moi dans les contes des fées
Que j’annonce bonheur aux futurs parents
Et que je suis un des plus fiers guerriers
Contre les crapauds et les vils serpents.
En dépit de la prudence que j’aime autant,
Une fée m’a jeté sa malédiction :
J’ai mangé, pour mériter cette punition,
Un crapaud qui renfermait son prince charmant…
Un don que j’arrive pas de digérer
Me condamne à vie d’y rester errant,
Faire aller-retour, sans trouver ma paix
Jusqu’au delta du Nile, pour rechercher
D’empoissonner le prince par un serpent
Ou trouver une reine qui puisse le libérer…
VIII
Autruche
(Capricornus)
Les oiseaux ne pleurent pas, n’ont pas des larmes
Mais il peut y pleuvoir avec des oiseaux ;
La majesté d’azur meurtrit ses charmes
Et laisse tomber par terre tous ses joyaux…
Le vol m’est interdit. Splendide misère,
Mes plumes ne font que d’ornement pour fêtes.
Dans le désert des ailes tombées par terre,
Je suis l’oiseau de vide, j’enfonce la tête ;
Elles vont voler dans mon labile mystère,
Leur mort va apaiser ma très longue quête.
Quand les tempêtes sauvages de manque d’amour
Détruisent tout ce qu’aura pu jamais voler,
Aux ailes d’Icare je donne discret secours :
Refuge dans mon absence elles vont trouver…
IX
Verticale
(Aquarius)
Regarde, regarde, parmi douleur sans quête !
Abîme-toi dans les cieux, profond oubli…!
Le soleil mur frappe contre l’alouette,
Proie sanglée entre plumes et l’infini !
Ah, pour gouter le sang, t’aurais envie…
Mais il arrive toujours dans un ventre
Et jamais dans le cœur, ou tu rentres
Comme sur la manche de ton seigneur béni.
Rebel contre ceux qui t’ont transformé
Dans une écriture muette, l’avalanche
De statues, impuissance pétrifiée,
Munit ta captivité d’un défi:
Descente au sacre, merle aveugle, blanche
Qui va accompagner ton vol vieilli.
X
Cassandra
(Pisces)
Arbre avec racines au-delà des étoiles,
Dont le tronc de lumière est nourri par pensées ;
Les branches de vent bruissent feuilles des oiseaux, qui dévoilent
Fruits-poissons, quand elles plongent dans les eaux pour chasser.
On se vante d’être très raisonnables, très sages
Avec nos « un plus un fait deux », irrépressibles
Contraintes d’écorche morte pour le grand tronc, pris otage
D’une révolte contre le verbe, chair invisible.
Au lieu de les sauver, j’appelle les haches d’obscur
Messagers sombres, harpies et les chauves-souris
Pour faire les oiseaux chasser seulement pour l’envie
De nourrir en cercle le pénible séjour…
Que la lune intervienne, avec l’annonce d’éclipse !
Que les vols de famine claironnent l’apocalypse !
XI
Coq
(Aries)
J’ai besoin de tes larmes pour le cri triomphal
Qui trouve échos dans les fissures de l’édifice:
Qu’elles puissent noyer et saler le temps hibernal
Qui neige étoiles mortes sur le bois de justice.
Non, y’a pas besoin de ta foi, mais de ses blessures.
Elle ne pourra pas conquérir le paradis,
Mais son ultime soupir va guérir les morsures,
Va offrir des baptêmes impossibles jadis!
Des soleils jeunes recevront des noms indicibles
Pour les hymnes qui rayonnent les lumières des astres,
Le déni de soi meurt d’une noyade paisible
Et il reprend la vie de la veille la plus chaste:
Je ne saurais jamais reproduire ce qu’il t’a dit
Quand le verbe a muté ton levant à minuit.
XII
Nettoyage
(Taurus)
Chasse aux insectes par nuée des étourneaux
Sous la peau d’une bête qu’on ne voit pas encore ;
Confession : l’eau, dans les empreintes des sabots ;
Une étincelle lointaine elle arrive de clore.
Le taureau pas encore venu fait la veille
D’une étoile depuis longtemps éteinte aux cieux,
Mais les parasites sont là, cène de merveille
Pour apaiser l’agitation des oiseaux.
Mais pourquoi je porte des cornes ? Pourquoi je meurs ?
Pourquoi, érodé jusqu’au squelette pleurant,
Je remplis des larmes les empreintes de l’ardeur
Qui décorait mes exploits d’auparavant ?
Myraculé d’amour, je suis nettoyé
Par un ange enveloppé dans tes pensées…
Dr. Alexandru – Theodor Amarfei
At corpus non terminatur cogitatione nec cogitatio corpore – (Spinoza, „Etica”)
Imaginea: Este o lucrare ce aparține tot domnului doctor Alexandru – Theodor Amarfei, reprezentând, după modesta mea înțelegere: Răstignirea Întregii Sfinte Treimi.